Côte d’Azur
Méditerranée, l’hiver du décor
Par Stéphanie Harounyan, Correspondante à Marseille — 2 février 2018 à 17:06 (mis à jour le 5 février 2018 à 09:42)
La mode du paddle a déferlé sur la Méditerranée il y a cinq ans.
Libéré du tourisme de masse et de la chaleur étouffante, le littoral retrouve des airs sauvages.
Bientôt, il y aura des parasols partout, des enfants qui font des pâtés de sable, des jeunes qui plongent en bombe et une chaleur à tomber… En attendant l’arrivée des touristes, la côte marseillaise savoure la période hivernale. Certes, le soleil s’est fait rare depuis quelques semaines et le mistral glace les mains… mais l’occasion est trop belle de profiter du calme exceptionnel d’un territoire un peu trop partagé – mais comment blâmer ces amoureux venus des quatre coins d’Europe ? Votre équipement : un bon coupe-vent, des lunettes de soleil qui, promis, ne resteront pas souvent dans votre sac, une combinaison pour les téméraires qui voudraient affronter l’eau fraîche et vous voilà parés pour un quasi-tête-à-tête avec la Méditerranée l’hiver.
1- Bronzer sur la plage du Prophète
Il va d’abord falloir admettre une vérité scientifique : quand la température de l’air est fraîche, voire glacée, la solution de repli la plus efficace reste de plonger dans l’eau, car l’eau est souvent plus chaude que l’air. L’hiver, en Méditerranée, elle tourne autour des 14° C quand le fond de l’air, souvent balayé par le mistral, tombe parfois bien plus bas. Certains Marseillais l’ont compris, à moins qu’ils ne soient définitivement frappés : chaque jour, ils sont quelques-uns à profiter des grandes plages vides qui longent la ville pour s’offrir quelques longueurs dans les vagues. Les adeptes débarquent en fin de matinée, surtout les jours de soleil.
La plage du Prophète, protégée de la houle par une digue, est l’un de leurs spots favoris. On pose ses affaires dans un coin, sur l’un des murs de béton qui encadrent le sable, on enfile son maillot et surtout, on ne réfléchit pas trop – le froid, lui, n’attend pas. Passé le choc du premier contact avec l’eau – sang figé, respiration bloquée – les sensations fortes se bousculent. «Ce mélange de chaud et de froid, ça vide complètement, explique Thibaud, 47 ans, autre accro au rituel hivernal. Ça procure une satisfaction qui ensuite peut durer plusieurs heures. C’est un truc tellement pur, préhistorique !»Seul souci : il faut sortir de l’eau… La mâchoire se coince, on a du mal à parler, on tremble. Mais on flotte pour le reste de la journée.
2- Longer la côte en paddle
Vérité scientifique numéro 2 : l’hiver, la mer, même plus chaude que l’air, reste froide. Voilà pourquoi certains malins ont développé un plan B pour profiter de l’eau comme si on y était, sans se mouiller. Leur arme secrète : le «stand-up paddle». Cette longue planche de surf sur laquelle on évolue debout, muni d’une rame, a envahi la Méditerranée comme l’ensemble du littoral français jusqu’à virer au phénomène de mode il y a environ cinq ans. Gros avantage : pas besoin d’être un sportif accompli pour pratiquer et le matériel nécessaire, hors paddle, se résume à une combinaison pour faire barrage au froid. Plusieurs clubs proposent des virées à Marseille et dans les calanques, pour les non-initiés comme pour les amateurs de challenge sportif. Dix minutes de démonstration suffisent avant de prendre la mer. L’engin, passe-partout, permet notamment d’arpenter le littoral et d’atteindre des sites qui ne se livrent, depuis la terre, qu’après une bonne dose de marche ou des grottes où les bateaux ne peuvent pas entrer.
Côté décor, si l’hiver, la luminosité est plus basse, la mer déploie toute une palette de bleu, à moins de préférer le vert tranché des pins qui bronzent sur les falaises… «On se sent plus libre que sur un kayak, qui donne une impression d’enfermement, soutient Laurent, moniteur pour l’association Glisse pour tous et organisateur de sorties sur la côte, entre Marseille et Cassis. C’est aussi beaucoup plus ludique et ça vous place dans un état contemplatif que je comparerais au yoga.» Quitte à contempler, autant choisir l’heure de l’apéro. Laurent propose entre autres des balades au crépuscule, avec escale au milieu de la baie pour trinquer au vin blanc, le regard perdu dans le soleil couchant. Bizarre, on ne sent plus le froid…
3- Déguster des oursins à Carry-le-Rouet
La fenêtre de tir n’est pas large, il faut donc se tenir prêt. La pêche aux oursins fait l’objet d’une réglementation très stricte, autorisée seulement du 1er novembre au 15 avril. C’est donc le moment d’enfiler sa combi et, simplement équipé d’un masque, d’un tuba et d’un filet à commissions, de plonger collecter directement à la source votre repas. Encore faut-il savoir cibler les lieux de ramassage autorisés, estimer les bons calibres (5 centimètres maximum sans les piquants) et ne pas avoir les yeux plus gros que le ventre – quatre douzaines maximum d’oursins par pêcheur et par jour.
Au bonheur des piqués de piquants. Photo Yohanne Lamoulère
Ces précautions prises, sur la Côte bleue, près de Marseille, les Affaires maritimes ont délimité plusieurs périmètres où l’on peut se piquer les doigts en toute légalité. La suite est une question de dextérité et de gestion de l’eau fraîche… Une fois l’oursin cueilli, un coup de ciseaux suffit pour percer sa carapace et laisser apparaître les savoureuses darnes orange. On les déguste sur un rocher face à la mer de préférence, directement à la petite cuillère ou étalées sur une tranche de pain. Là encore, il y a la version flemmarde : depuis les années 60, plusieurs communes de la Côte bleue organisent des oursinades géantes, où l’on peut acheter les bestioles fraîchement pêchées et les déguster sur l’une des grandes tables installées sur le port, au milieu de nombreuses animations proposées pour l’occasion.
4- Conquérir Porquerolles
Vous n’avez plus faim. Vous n’avez plus froid. Vous en avez juste plein les yeux en débarquant dans le petit port de Porquerolles. Il y a des avantages à l’hiver : quand les touristes sont encore loin, que le mistral excite les vagues et que le ciel se maintient malgré tout dans les bleus, c’est là que la petite île face à Hyères révèle tous ses charmes. L’été, c’est autre chose : il faut jouer des coudes au milieu des vacanciers, supporter les embouteillages de vélos sur les sentiers, se battre pour poser sa serviette sur le sable blanc de Notre-Dame, élue «plus belle plage d’Europe» en 2015. Hors saison, l’île débarrassée de la foule retourne à l’état brut. Tant mieux : à vous les sentiers vides bordés de pins, au guidon d’un vélo loué sur place – deux boutiques postées au cœur du village fonctionnent tout l’hiver.
Au nord, on tourne à droite pour atteindre les étendues blanches de la plage de Notre-Dame, où les posidonies et les bois flottés peuvent tranquillement s’étaler sur le sable sans subir la concurrence des vacanciers. Côté gauche, le paysage se corse, alternant plages plus confidentielles et criques lovées dans les fronts rocheux jusqu’à la presqu’île. C’est là que se cache la plus sauvage des plages, le Langoustier, qui se décline en versions sable blanc ou sable noir.
S’il vous reste encore un peu de place pour l’émerveillement, tracez au sud, en traversant les champs de lauriers et les cultures du conservatoire botanique – Porquerolles appartient au parc national de Port-Cros. Sur ce bout de côte, le vélo n’a plus droit de cité, la nature sauvage ne tolère que les marcheurs. Les pins penchés sur la mer métallique, qui vire au turquoise quand elle frappe les rochers… Et l’on se dit que décidément, l’été, ça ne sert à rien.
Y aller
Porquerolles : les navettes en bateau partent de la Tour fondue (presqu’île de Giens, près de Hyères).
Rens. : www.hyeres-tourisme.com.
De novembre à mars, l’office du tourisme de Hyères met en place des packs bateau + vélo + resto à prix bas. Rens. : www.destination-porquerolles.com.
Carry-le-Rouet : prendre le TER depuis Marseille (dix-huit minutes). Rens. :www.ter.sncf.com/paca .
Y manger
Porquerolles : trois restaurants se relaient l’hiver. A l’Escale, sur le port, on propose des plats du jour et la pêche locale du jour à prix raisonnable. Il y a même une cheminée pour se réchauffer. Rens. : 04 94 58 30 18.
Marseille : pour un déjeuner les pieds dans l’eau, le Petit Pavillon, posté juste au-dessus de la plage des Catalans, offre une vue parfaite pour mater les vagues à travers ses grandes baies vitrées, avec option cuisine locale dans l’assiette. Rens. : www.lepetitpavillon.com.
Carry-le-Rouet : pour les oursinades. Rens. : www.otcarrylerouet.fr.
Stéphanie Harounyan Correspondante à Marseille
Ian Clegg says
Ca donne envie d’y aller pour echapper a l’hiver gallois