Monsieur le président de la République,

Vous avez porté, pendant la campagne présidentielle, l’ambition d’un élevage plus responsable en prenant l’engagement d’interdire la vente des œufs de poules élevées en bat­terie d’ici à 2022 ; le 11 octobre, à Rungis, vous avez renouvelé cette volonté dans votre discours aux Etats généraux de l’alimentation (EGAlim). Nous saluons cette initiative qui répond aux attentes et aux exigences des Français, dont 90 % se déclarent favorables à la disparition de ce mode d’élevage particulièrement cruel.

On se souvient de l’onde de choc provoquée par les révélations de l’association de protection animale L214. Une enquête, rendue publique en mai 2016 dans les colonnes du journal le Monde, révélait les conditions de vie déplorables des 200  000 poules d’un élevage de l’Ain, dans lequel elles vivaient au milieu des parasites et parfois aux côtés d’un congénère mort. Plus récemment, des enquêtes réalisées dans des élevages de Vendée en avril 2017, et dans les Côtes-d’Armor, ­en décembre 2017, étaient tout aussi insupportables  : on y découvrait des poules déplumées, parfois entièrement, d’autres blessées ou à l’agonie. Ces images ont illustré pour le grand public les souffrances et les privations comportementales inhérentes à l’élevage en batterie, décrites depuis bien longtemps par la communauté scientifique  : difficulté d’étendre pleinement les ailes, sol grillagé, impossibilité de satisfaire des ­besoins essentiels pour tous les oiseaux, comme construire un nid ou prendre des bains de poussière…

Votre projet d’interdire à la vente les œufs de table issus de ces élevages va dans le bon sens, nous sommes néanmoins convaincus qu’il faut poursuivre ce mouvement, en engageant la filière vers une sortie totale des cages. Une mesure de bon sens, logique et nécessaire : sans cela, des œufs de batterie continueraient d’être vendus aux consommateurs dans les produits de consommation courante, tels que les gâteaux, les biscuits ou encore les plats préparés. Tout cela à leur insu, puisque l’étiquetage ne mentionne pas au consommateur le mode d’élevage pour les œufs contenus dans ces produits élaborés. Cette sortie totale des cages est possible ; les entreprises ont déjà saisi l’opportunité de cette évolution. La récurrence des scandales sanitaires, notamment le dernier en date avec la contamination au ­Fipronil, et la préoccupation croissante des consommateurs à l’égard des animaux ont conduit les groupes leaders de la grande distribution et de tous les secteurs de l’alimentation à s’engager à abandonner les œufs de batterie dont, décidément, plus personne ne veut… Grâce à ces engagements, l’horizon d’une France plus attentive aux animaux et aux attentes des citoyens et des entreprises se dessine. La «transformation» que vous appelez de tous vos vœux trouverait alors son véritable sens et plus aucune poule n’aurait à endurer une vie entière passée en cage.

Il vous appartient maintenant, Monsieur le président de la République, de poursuivre cette dynamique en prenant les mesures nécessaires pour que l’interdiction de l’élevage en cage des poules pondeuses soit portée dans la loi qui sera présentée au Parlement au premier semestre 2018. Saisir l’opportunité de s’engager dans cette stratégie, c’est assurer aux entreprises et aux consommateurs que l’Etat les accompagne, c’est également témoigner aux citoyens que la prise en compte de la souffrance des animaux s’inscrit pleinement dans la concertation menée lors des états généraux de l’alimentation.

Signataires : Fabienne Agasse, maître de conférences, Grenoble, Institut des neurosciences (GIN); Aurélien Barrau, Astrophysicien, professeur, université Grenoble-Alpes; Stéphane Bern, journaliste et animateur; Allain Bougrain-Dubourg, journaliste et président de la LPO;
Dalila Bovet, ethologue, maître de conférences, université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense; Yolaine de La Bigne, journaliste; Hugo Desnoyer, maître artisan boucher; Lolita Lempicka, styliste; Frédéric Lenoir, philosophe et président de l’association Ensemble pour les animaux; Christine Marcandier, maître de conférences en littérature classique, université Aix-Marseille; Guillaume Meurice, humoriste; Jeff Panacloc, ventriloque et humoriste; Martin Page, écrivain; Laurence Parisot, présidente d’honneur du Medef; Corine Pelluchon, philosophe, professeure, université Paris-Est-Marne-La-Vallée; Jean-Marc Pons, maître de conférences au Muséum national d’Histoire naturelle; Philippe Reigné, juriste, professeur, Conservatoire national des arts et métiers (Cnam); Véronique Sanson, chanteuse; Cédric Sueur, ethologue, maître de conférences, université de Strasbourg; Mathieu Vidard, journaliste et animateur.